mardi 25 novembre 2008

JE CRAQUE



Interwiew de Josiane concernant le Père Noël qui doit venir bientôt... et comme nous avons été très sages, elle et moi, il devrait bien nous apporter des cadeaux !! Il semble que mon cadeau soit, selon elle, "une messe de minuit" (traduction : une chemise de nuit), mais pas pour Josiane qui en a plein !!!!
Ceci dit, elle est mignonne dans son innocence, tellement gentille et touchante, que j'ai eu envie de partager ce petit moment de pur bonheur avec vous....

mardi 18 novembre 2008

MADEMOISELLE ODETTE


Il y avait chez elle, dans sa cuisine, des pêle- mêles de photos de neveux qu’on ne voyait jamais et dont elle parlait comme de ses enfants !
Il y avait sur la toile cirée de la table un dictionnaire et des journaux de mots croisés en cours.
Il y avait un livre emprunté à la bibliothèque avec sa couverture plastifiée et son marque page…
Elle me faisait chauffer une tisane et m’ouvrait des boîtes en fer de petits gâteaux.
On s’asseyait à la table de la cuisine, je parlais fort pour qu’elle m’entende.
Elle me racontait le livre en cours, elle me racontait les neveux qui ne venaient jamais et dont elle était si fière, elle me racontait la maison que son père avait construite en 1929.
Elle parlait de ses parents, ce père blessé à la guerre, cette maman avec laquelle elle avait vécu toutes ces années… depuis 1929 dans la même maison.
Elle parlait de son travail à la poste.. de ce mariage qu’elle n’avait pas fait parce que, disait-elle, ceux que je voulais ne me voulaient pas, et ceux qui me voulaient, c’est moi qui ne voulait pas… et elle riait !
Parfois, on montait à l’étage, il y avait « la chambre de maman », avec un lit recouvert d’un édredon rouge où personne ne dormait plus, avec une poupée bressane qui trônait sur la cheminée, avec un parquet ciré sur lequel on glissait avec des patins pour ne pas salir.
On traversait cette chambre déserte pour entrer dans la sienne, petit lit à une place entouré d’un cosy plein de livres, une minuscule salle de bain et sa baignoire sabot et le même parquet ciré qu’une femme de ménage venait astiquer chaque semaine.
Je la voyais, l’été, dans son jardin, taillant ses rosiers, arrachant de mauvaises herbes. Je l’entendais, plusieurs fois par jour, balayer l’escalier extérieur…
Elle était toute petite, toute blanche, toute active… elle portait de jolies jupes fleuries et des petites socquettes dans ses chaussures.
Elle marchait à vive allure dans les rues, visitant le cimetière et ses souvenirs deux fois par semaine.
Elle m’avait accueillie simplement, gentiment, lorsque j’étais venue emménager dans l’autre partie de la maison, celle qui avait été construite en 1929 par le meilleur ami de son père, la réplique de sa maison mais en moins bon état, cette maison que je venais d’acquérir longuement, difficilement. J’arrivais après des mois de galère, je posais mes valises, je me construisais en même temps que je redonnais vie à la maison.
Et Odette était là !!
IL y eut entre nous, malgré nos trente années d’écart, une belle amitié un peu maternelle. Elle veillait sur moi et moi sur elle. Elle était heureuse de m’avoir à ses côtés et elle me rassurait.
Elle glissait des petits gâteaux et des morceaux de jambon à mes toutous à travers le grillage. Elle me portait des bols de potage pour le soir, je lui gardais des morceaux de tartes lorsque je recevais des invités.
Nous avions installé un petit portail pour aller facilement de l’une à l’autre sans faire le tour de la maison et c’était une période heureuse.
Puis l’angoisse est venue chez elle, trop seule, trop grande maison, trop de charges, trop d’escaliers aussi…
Je surveillais les volets qui s’ouvrent, j’écoutais les bruits d’à côté, elle disait que ça la rassurait.. mais pas assez !
Alors elle a choisi de partir en maison de retraite, à l’autre bout de la rue, et de me vendre la maison !
Nous sommes allées ensemble chez le notaire, j’ai donné mon chèque, il a signé les actes et lui a donné son chèque. Elle était sidérée d’avoir une telle somme et ne savait plus que faire. Elle m’a tendu le chèque en disant « ouh là là, je vous le donne, j’ai peur de le perdre ». Le notaire riait « c’est la première fois que je vois un vendeur donner le chèque à son acheteur » !! Nous étions joyeuses et complices.
Nous sommes vite allées à sa banque afin d’y déposer l’argent pour qu’elle dorme tranquille. Tout le guichet a su qu’elle venait de me vendre la maison et qu’elle plaçait son argent, c’était un moment très amusant.
Il restait mille choses dans la maison, des souvenirs oubliés, des objets, des cartes, des vêtements. Les neveux avaient vidé les meubles et oublié toutes ces bricoles qui hantent encore mes placards et la cave.
Elle venait me voir et me tenait la main en disant « c’est comme si j’avais passé la maison à ma petite fille ». Elle continuait de me raconter le quartier, la construction sur ce terrain qui s’appelait « le champ du Paradis », sa vie ici, ses parents, ses chagrins… je retenais, j’apprenais. Je devenais la mémoire de la maison.
Elle disait toujours « notre maison »… et elle s’extasiait des changements : les studios, le bassin dans son jardin. Le plus spectaculaire a été la visite de « la chambre rose » qui était son grenier avant. Elle est entrée dans la pièce, les mains jointes sur son cœur, éblouie, ravie, impressionnée. Et moi je lui disais mon bonheur et comme j’aime cette maison.

Elle est partie discrète, comme elle a vécu… ce samedi… et je l’ai appris par hasard car les neveux m’ont déjà oubliée.
Elle est partie doucement à 85 ans, une petite Odette discrète, sans mari, sans enfant et m’a légué désormais « sa maison »…